Nous sommes allés en Chine pour fabriquer à bas prix. Maintenant les chinois vont fabriquer ici pour conquérir l'Europe
Publié par L'équipe dans Actualités le 05/07/2023 à 16:15
Les constructeurs automobiles chinois ont les yeux rivés sur l'Europe et sur la voiture électrique comme moyen d'y parvenir. Après BYD, qui cherche à construire sa propre usine sur le continent, SAIC Motor, la maison mère de MG, a annoncé mardi son intention d'ouvrir une usine en Europe.
Cette annonce intervient quelques jours après que Ford a reconnu avoir trouvé un investisseur pour son usine de Saarlouis dans le sud-ouest de l'Allemagne. Cette usine arrêtera de fabriquer la Ford Focus en 2025, année où Ford s'en séparera.
Le directeur de Ford en Allemagne, Martin Sander, a déclaré vendredi dernier avoir signé les premiers accords, une déclaration d'intention, qui est "une excellente base pour poursuivre les négociations avec un potentiel de création de 2 500 emplois à Sarrelouis".
Une industrie soumise à des changements « brutaux »
Cela ne signifie pas que SAIC conservera l'usine Ford et fabriquera MG en Allemagne, même si cela pourrait bien l'être. C'est un autre exemple des énormes changements qui se produisent dans l'industrie automobile européenne, avec des fermetures et des ouvertures d'usines et des délocalisations de modèles.
Ainsi, en plus de la fin de la Ford Focus, qui n'aura pas de substitut et qui entraîne la fermeture de son usine, d'autres marques se mettent à jouer aux chaises musicales avec leurs modèles pour éviter les fermetures d'usines et améliorer leur rentabilité.
Ainsi, Stellantis transportera la fabrication de la Peugeot e-208 de Slovaquie à Saragosse, sauf décision contraire de dernière minute, puisque le gouvernement français fait pression sur le groupe pour qu'il transporte la fabrication en France.
Et ce n'est pas seulement une question qui concerne les pays les plus riches du continent. Renault emmènera la production du Dacia Jogger de la Roumanie au Maroc en 2024 pour pouvoir fabriquer les futurs Dacia Bigster et Duster en Roumanie.
C'est-à-dire qu'en Europe les deux modèles avec le prix le plus élevé et la marge la plus élevée restent. Le prix de vente moyen d'un Dacia Duster se situe actuellement entre 20 000 et 25 000 euros, alors que le Bisgter devrait dépasser les 25 000 euros.
Les changements que les constructeurs européens doivent mettre en place en à peine 10 ans sont "brutaux", selon Carlos Tavares, PDG du groupe Stellantis. "L'industrie doit passer d'une technologie optimisée depuis un siècle à une technologie balbutiante."
La pression de la Chine et de certains de ses fabricants sur les marques généralistes européennes est énorme. SAIC Motor, premier constructeur automobile chinois, a vendu plus de 100 000 véhicules sur le marché européen en 2022. Au premier semestre 2023, il a vendu 530 000 véhicules hors de Chine. En fait, SAIC calcule qu'à court terme, l'Europe sera son premier marché étranger avec plus de 200 000 voitures vendues.
BYD, quant à lui, a vendu près de 1,9 million de voitures électriques et hybrides rechargeables dans le monde. Et en mai dernier, la Chine a exporté 438 000 voitures complètes, sans compter les modèles exportés en kits CKD pour être assemblés hors de Chine, comme la Chery qui est assemblée et vendue par le DR italien.
Le prix, grâce à des coûts de production et d'énergie plus faibles en Chine qu'en Europe, ainsi que sa maîtrise quasi absolue sur la chaîne de valeur de la voiture électrique, de la mine à la fabrication de la voiture, ont donné aux marques chinoises une compétitivité avec laquelle les européennes peut difficilement se battre.
Alors que des marques européennes décident de fabriquer en Chine, comme la BMW iX3, la future MINI électrique ou la CUPRA Tavascán pour baisser les coûts, les marques chinoises décident d'implanter des usines en Europe. En à peine dix ans, ils auront réalisé une redistribution brutale des cartes de l'industrie, citant Carlos Tavares.
